Consommation d’avocat : le dilemme environnemental de l’avocado toast

L’avocat : êtes-vous comme la majorité des Français de gros consommateurs de ce fruit exotique?  Il est à la mode et personnellement j’adore ça. La consommation d’avocat se décline sous de multiples formes. Dans les restaurants, l’avocado toast a balayé la bruschetta, le guacamole a remplacé les rillettes et California roll et poke bowl sont les stars des sushis bar. Sans oublier ma recette de salade favorite : l’excellente avocat, pamplemousse, crevettes. L’avocat surfe sur la tendance « nourriture végétarienne healthy » : c’est de la graisse mais de la graisse saine, idéale pour le régime alimentaire du futur. Résultat la consommation mondiale explose : +65% en Europe entre 2016 et 2019. Une petite voix murmure alors dans ma tête : curieux, je croyais que l’avenir de l’alimentation passerait par les filières courtes! Quel bilan environnemental pour ce fruit exotique? Faut-il vraiment se réjouir de la progression de la consommation d’avocat?

L’avocat un fruit exotique plébiscité par les nutritionnistes

Depuis quelques années, la consommation d’avocat a le vent en poupe. Petits comme gros avocats, variété Hass ou Fuerte figurent en bonne place sur les étals de nos maraîchers tout au long de l’année. Il faut dire que l’avocat est plébiscité par les nutritionnistes. C’est un fruit gras mais riche en graisses saines, idéal dans un régime flexitarien, végétarien ou vegan. Il est également une excellente source de vitamine A. Manger de l’avocat est bon pour votre peau, pour la santé de vos cheveux et même pour votre vision.

Les vidéos foisonnent sur Internet vantant les mérites de ce produit miraculeux. Je vous ai sélectionné celle du site SYMPA. Elle le présente sans nuance comme un remède universel y compris contre le cancer et qui m’a doucement fait sourire. En résumé, si tu manges un avocat par jour pendant un mois, voici ce qu’il t’arrivera : tu deviendras sans doute… un super héro. L’avocat ne pouvait qu’inspirer les marchands de crèmes de jouvence : masque hydratant pour le visage, crèmes de nuit, shampoing…, notre produit miracle a également fait une entrée fracassante dans le monde de la cosmétique.

Les Américains champions du monde de la consommation d’avocat

Ce phénomène avocat nous vient des Etats Unis. Les Américains sont les champions du monde de la consommation d’avocat. Ils engloutissent en moyenne 3.3 kg par an et par habitant notamment sous forme de guacamole en compagnie de nachos devant le superbowl. Outre Atlantique, l’avocat réussit la prouesse de réconcilier le New Yorkais branché qui en fait un incontournable de son régime veggie et l’électeur du Midwest de Donald Trump adepte du « dip » devant le match de base-ball du dimanche accompagné d’une bonne Bud.

L’Europe suit le mouvement. Entre 2008 et 2018,  la consommation européenne d’avocat est passée de 202 millions de tonnes à 650 millions de tonnes soit +220% en 10 ans (source WAO World Avocado Organization).

Les Français, cocorico, sont les champions d’Europe de la consommation d’avocat en volume avec un pic de consommation à Paris. La consommation des parisiens à 2.8kg par habitant par an se rapproche de celle des Américains. La tartine avocat œuf poché est aujourd’hui devenue un incontournable du brunch du bobo parisien.

La découpe de l’avocat est devenue un art qui fait l’objet de multiples tutos sur la toile. Vous pourrez ainsi pour votre prochain dîner préparer de magnifiques avocats en forme de rose. Vous pourrez alors participer à la folie avocat sur Instagram. On trouve sur le réseau des dizaine de milliers de photos de plat d’avocat, indiscutablement l’un des fruit les plus instagrammables.

 

L’avocat nouvel or vert du Mexique au Pérou en passant par la Colombie

Avec cette explosion de la consommation, l’avocat est devenu un nouvel or vert pour les pays producteurs à commencer par le Mexique qui représente à lui seul près de 30% de la production mondiale. Dans le Michoacan, la province du sud-ouest du pays, les plantations d’avocats de la fameuse variété Hass à l’épiderme bosselé s’étendent à perte de vue.

« Or vert », le parallèle avec le pétrole est particulièrement pertinent. L’avocat comme l’or noir apporte à la fois bienfaits et malheurs aux pays producteurs. Il a permis de sortir de la pauvreté des milliers d’habitants du Michoacan. Mais il y a aussi attiré la convoitise des cartels de la drogue mexicains qui ne voulaient laisser échapper une telle manne. Les 4 grands cartels mexicains se sont en 2019 livrés une sanglante guerre au Michoacan. Cette « avocado war » a d’ailleurs donné lieu à un épisode de la série Rotten de Netflix. 

L’avocat pousse exclusivement dans les pays chauds, l’avocat ne supportant pas le froid. Pour répondre à l’explosion de la demande, de nouveaux pays se sont mis à massivement cultiver l’avocat. Il y a 10 ans la Colombie n’exportait pas d’avocat, ses exportations sont passées entre 2014 et 2018 de 4 à 60 millions de dollars concurrençant Pérou et Chili. L’Afrique s’invite aussi à cette gigantesque guacamole party mondiale. Le Kenya et le Rwanda sont rentrés dans le top 10 des producteurs mondiaux.

La culture intensive de l’avocat : une consommation d’eau catastrophique en termes de bilan environnemental

Mais comme souvent quand la consommation d’un produit explose, c’est l’environnement qui trinque. Pour augmenter massivement leur production, les Mexicains ont déforesté des milliers d’hectares et utilisent massivement un cocktail détonant de pesticides. Son transport essentiellement par bateau vers l’Europe ou les Etats Unis aurait une empreinte carbone limitée s’il ne fallait pas les conserver au frais à 6°C dans des containers climatisés.

Mais le vrai problème environnemental de la culture de l’avocat est qu’elle est gourmande en eau : il faut 1.000 litres d’eau pour en produire 1 kilo (plus que les 180 litres pour un kilo de tomates mais nettement moins que les 15.000 litres d’eau pour produire un kilo de viande). La culture intensive de l’avocat provoque donc localement de terribles conséquences sur les nappes phréatiques. C’est le cas dans cette région chilienne où la consommation pour la culture de l’avocat provoque des rationnements d’eau pour les habitants comme l’illustre ce terrible reportage d’Envoyé Spécial

Les reportages dénonçant les problèmes environnementaux provoqués par la consommation croissante d’avocats se sont donc multipliés dans le monde entier ces derniers mois : die Zeit, Radio Canada, Envoyé Spécial, Nouvel Obs, le Figaro… En septembre 2019, Télérama finissait par poser la terrible question : faut-il encore manger de l’avocat? Une chose est sûre, cette trop rapide explosion de la consommation d’avocat n’est pas soutenable à un moment où en plus les Chinois commencent à en manger.

Des restos parisiens branchés décident de supprimer l’avocat de leurs menus

La rumeur de la nocivité environnementale de l’avocat montait donc progressivement dans Paris. Alors naturellement le couperet commença à tomber. Plusieurs restaurants ont décidé ces dernières semaines de supprimer l’avocat de leurs cartes. C’est le cas de la chaîne de coffee shops branchés écolos Marlette. Elle a annoncé début janvier qu’elle a décidé de retirer de son menu les fameux avocado toasts, annonce assortie d’une campagne de communication autour du hashtag #byebyeavocado. Cohérence idéologique, joli coup de pub ou mélange des deux, je ne saurais le dire.

On assistait à la naissance de « l’avocado bashing » dans notre Paris boboland. Allions-nous brûler ce produit que nous avions idolâtré? La consommation d’avocat va-t-elle s’effondrer ou poursuivra-t-elle sa marche en avant? Et vous personnellement allez-vous continuer à en manger? Connaissez-vous des filières d’approvisionnement d’avocats responsables? Dites le moi dans les commentaires. Personnellement, cette plongée dans le monde de la culture de l’avocat m’a ébranlé. Mais pour manger sain, cela reste tellement meilleur que les repas Feed à l’avoine ou que les burgers vegan. Alors finalement c’est simple, l’avocat oui mais à consommer avec modération!!!!

 

Commentaires (3)
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  • PAV

    L’homme étant un danger environnemental ambulant, ne serait il pas plus simple de demander à un organisme international représentatif de fixer limitativement ce que nous avons le droit de faire et de manger et de remplacer la monnaie par des tickets de rationnement environnementaux (x avocats par mois x vols easy jet par an x sapins de Noël nordman x heures de streaming). Es lebe die DDR!

    • Ban500

      Pourquoi tout de suite, les gros mots? N’approuverais-tu pas un bon système de tickets environnementaux à la valeur cotée sur les marchés financiers?

      • PAV

        ce n’est qu’une première étape vers la reconnaissance de la supériorité morale absolue d’un système de yield management étendu à l’intégralité du cosmos, mais il faut savoir se contenter d’un premier pas vers la concurrence pure et parfaite