Bateaux volants : une « foil » histoire

Départ des transats d’automne : Jacques Vabre en monocoque et multicoque, Brest Atlantiques pour les trimarans géants des mers de la catégorie Ultime. D’habitude ces dernières années, les records tombaient. La mer en a décidé autrement cette fois-ci.  Un miracle technologique défiant les lois de la nature révolutionne en effet la voile : le foil. Grâce à ces ailes profilées fixées sur leur coque, les bateaux de course sont  devenus ces dernières année, des foilers, des bateaux volants. Tous les voiliers favoris de la flotte sont équipés de ces « moustaches » pouvant mesurer jusqu’à 3 mètres de long. Le spectacle du départ de ces bateaux volants sur leurs ailerons est époustouflant, répétition grandeur nature avant le Vendée Globe l’an prochain. Le foil révolutionne tous les sports nautiques. Voilier, surf, planche à voile se sont désormais mis à voler.

Le foil, la technologie qui fait voler les voiliers, comment ça marche?

Le foil parfois baptisé également hydrofoil est une aile profilée fixée sur la coque d’un bateau et qui lui transmet une force de portance. Après, tout est histoire de physique ou plus précisément de mécanique des fluides. Quand le bateau atteint une certaine vitesse, le mouvement d’eau autour du foil crée une force de portance suffisamment importante pour soulever la coque du bateau. Il se met alors littéralement à voler.

Le principe physique est relativement simple, en tout cas compréhensible par le commun des mortels comme moi. Les premiers foils remontent d’ailleurs au 19ème siècle. Mais pour être efficace, le foil doit être à la fois léger et ultra-résistant. Il faut donc attendre le développement de matériaux comme la fibre de carbone pour que la technologie puisse véritablement prendre son envol (vous apprécierez le jeu de mot!!!)

Foils en T, foils en V, foils en J, foils traversants, foils immergés, foils obliques… les concepteurs de bateaux volants font preuve d’une ingéniosité sans limite pour optimiser ces fameuses ailes et rendre les navires toujours plus rapides. Je vous propose de vous les décrire un à un. Mais non rassurez vous, j’aurais trop peur de vous perdre alors que je n’ai même pas commencé à vous parler de l’ émouvante histoire du foil. Pour ceux que ça démange, vous trouverez une description exhaustive des différents types dans cet article « l’alphabet du foil ».

Eric Tabarly, père du foil moderne, avait aussi imaginé l’hydroptère

Je vous l’ai dit, la technologie est ancienne. Mais c’est au mythique Eric Tabarly et son trimaran à foiler Paul Ricard  au début des années que l’on doit l’utilisation du foil dans sa forme moderne. Le bateau était alors trop lourd pour voler. Il lui permet néanmoins en juillet 1980 de pulvériser le record de la traversée de l’Atlantique. C’est le début des exploits des bateaux à foil.

Mais Eric Tabarly voit plus loin. Il imagine alors le projet fou d’un bateau qui pourrait voler grâce à d’immenses foils : l’hydroptère. Malheureusement le navigateur disparaît tragiquement en 1997. Il ne verra pas de son vivant les exploits du bateau volant dont il avait rêvé. Le développement du projet est mené par l’architecte naval Alain Thébault. Et en 2009, après plus de 20 ans de recherche, l’hydroptère bat le record de absolu de vitesse à la voile sur 500 mètres à 51.36 noeuds. Il il a même atteint une vitesse de pointe de 55,5 nœuds, soit au-delà de la barre symbolique des 100 km/h (103 km/h).

Hydroptère bateau volant

 

En 2013, les bateaux de l’America’s Cup se mettent à voler

En 2013, le grand public découvre les bateaux volants lors de la coupe de l’America. Cette dernière est traditionnellement le laboratoire pour les bateaux les plus fous. Cette fois, l’organisation a opté pour des catamarans de 22 mètres de long équipés de foils rétractables baptisés AC72. Ces monstres volants des mers atteignent des vitesses proches de 50 nœuds. Et ils vont donner lieu à des régates hallucinantes. Une vidéo vaut mieux que tous les mots tant cette compétition fut spectaculaire. Je ne me lasse pas de regarder ces images avec ces bateaux volants lancés à pleine vitesse qui se croisent à quelques mètres près. De la navigation de haute précision…

D’ailleurs la manipulation ces bateaux reste plus que sensible. Lors d’une des régates finales, Team New Zeland ne passe pas loin de la catastrophe. Lors de préparatifs de la coupe, Artemis le challenger suédois chavire faisant un mort parmi son équipage. Les bateaux volants ne sont pas encore prêts pour la course au large.

 

 

2016, le Vendée Globe découvre aussi les bateaux volants

Mais c’était sans compter sur le folie des marins. Et là les Français sont de nouveau à la manœuvre. Au départ du Vendée Globe de 2016, les voiliers classe Imoca de la plupart des principaux favoris sont équipés de foils. Mais l’inconnue est grande. Ces bateaux résisteront-ils au tour du monde? L’année précédente, la transat Jacques Vabre s’était soldée par une hécatombe chez les bateaux à foils.

75 jours plus tard, les navigateurs apportent une réponse tranchée. 5 des 7 bateaux équipés de foils franchissent la ligne d’arrivée dont les 4 premiers du classement général. Le skipper Armel Le Cléac’h remporte la course sur bateau volant Banque Populaire VIII et bat de plus de 4 jours le record de l’épreuve établi lors de l’édition précédente par François Gabart. François Gabart, parlons-en, ce jeune prodige de la voile est sans aucun doute le symbole de cette nouvelle génération de navigateurs volants.

François Gabart le marin qui rêvait de bateaux volants

En 2013, ce beau gosse surnommé le « petit prince des océans » remporte à 30 ans le Vendée Globe. A l’époque, les bateaux ne volent pas encore. A partir de 2015, il décide de basculer sur multicoque pour vivre l’aventure des trimarans volants, le défi de sa génération.

Depuis, à bord de son bateau volant Macif, il enchaîne les records battant en 2017 de plus de 5 jours le record du tour du monde à la voile en solitaire en 42 jours. En 2018, lors de la Route du Rhum, il s’incline pour 8 minutes face à Francis Joyon au terme d’un sprint final épique. Son foil tribord avait rendu l’âme.

Surtout avec François Gabart, le métier de skipper poursuit sa mutation. L’homme est autant ingénieur que marin. Le cockpit de son  maxi trimaran classe Ultime est désormais une cabine fermée bourrée d’électronique. Il est loin le temps du marin, vieux loup de mer en ciré jaune derrière sa barre les cheveux flottants au vent. Jamais le terme Formule 1 de la mer n’aura été aussi pertinent.

Vous aussi, vous pourrez bientôt voler sur l’eau

Vous avez rêvé comme moi avec ces bateaux volants. Naturellement vous vous dites , moi aussi je veux voler sur l’eau. Rassurez-vous vos vœux seront exaucés. Planche à voile, surf, paddle, kite, dériveur, bateaux, la navigation de plaisance est en train de se mettre massivement aux foils. Mieux que la trottinette électrique! Alors pour terminer et vous donner du baume au coeur à l’orée de l’hiver, nous vous proposons un petit voyage en Australie avec une vidéo de planches à voile volantes.

J’ai même découvert en faisant cet article que les foils nous permettront également de faire du vélo sur l’eau. Étonnant non!

Voilà, j’espère que, comme moi, vous vous êtes envolés avec cette  histoire. Si c’est le cas, n’hésitez pas à la commenter ou à la partager. Pour chaque semaine découvrir d’autres « foil » histoires de notre Étonnante Époque, abonnez-vous!!!

Vendée Globe 2020 le record devrait voler grâce aux bateaux volants

Au départ du Vendée Globe, les foils sont de nouveau les vedettes de cette édition. Tous les bateaux des favoris en sont désormais équipés. En 4 ans, la technologie a largement évolué comme l’explique l’Usine Nouvelle . En 2016, les foils mesuraient 2 à 3 mètres. Ils font désormais 5 à 6 mètres grâce à des matériaux en fibres de carbone toujours plus légers. Cela a conduit à une conception complètement nouvelle des bateaux. La course au record est lancée.

 

Sur ce sujet des performances sportives extraordinaires, retrouvez les articles suivants d’Étonnante Époque :

Commentaires (2)
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  • CéCédille

    Intéressant et spectaculaire !
    Lors de la la 35e Coupe de l’America aux Bermudes, on a vu avec surprise des équipiers cyclistes manœuvrer les winches à la force du mollet : https://bicycl-arts.blogspot.com/2017/05/des-cyclistes-la-coupe-de-lamerica.html.
    Dans un autre genre, Solar impulse, l’avion solaire avait aussi besoin de cyclistes à atterrissage comme au décollage pour lui tenir les ailes. La technologie de pointe a toujours besoin de plus petit que soi…

    • Ban500

      Merci pour ce lien. Cette vidéo des cyclistes qui pédalent dans des bateaux est incroyable. Ça rappelle immanquablement les galériens. On retrouve le même phénomène dans l’intelligence artificielle où on a besoin de petites mains pour l’apprentissage des IA. J’y ai consacré un article.