Chroniques des JO de Tokyo

On y allait un peu à reculons. Le satané Covid nous avait volé les JO de Tokyo en 2020 et s’invitait de nouveau pour cette édition 2021. Du coup, les Japonais ne montraient pas un enthousiasme débordant à l’idée d’accueillir athlètes et supporters du monde entiers potentiellement porteurs du virus. Au mois de mai, le grand quotidien Asahi Shimbun appelait à une annulation des JO. Il publiait un sondage dans lequel 80% des Japonais se disaient opposés aux Jeux. Depuis l’opinion publique japonaise est revenue à de meilleurs sentiments. Et puis coup de tonnerre le 9 juillet face à la montée du variant delta, le 1er Ministre japonais déclarait l’état d’urgence sanitaire. Les Jeux Olympiques auraient lieu sans public. On abordait donc la cérémonie d’ouverture avec une légère gueule de bois. La magie olympique allait-elle finalement opérer et m’inspirer quelques chroniques sur les JO de Tokyo?

Chroniques JO Tokyo samedi 24/07 : nuits sans sommeil et douces siestes

Je n’ai pas regardé la cérémonie d’ouverture. Devant un stade vide, le défilé des athlètes perd de son charme. Et les longues chorégraphies olympiques ont fini par devenir un art convenu. Je m’apprêtais à faire une croix sur ces JO.

Et puis je me suis réveillé dans la nuit de vendredi à samedi vers 3 heures du matin. Une petite voix m’a dit : tu devrais allumer la télé pour regarder les JO. Je n’y ai pas résisté longtemps. Et me voilà devant mon écran à regarder une improbable épreuve de tir à l’arc mixte. Je me prends bien entendu immédiatement au jeu de ces Robin Hood des temps modernes qui arrivent régulièrement à décocher leurs flèches dans une cible de 12cm de diamètre située à 70 mètres.

S’enchaînent ensuite des épreuves toutes aussi passionnantes : tennis de table, escrime sabre, judo moins de 60kg, cyclisme sur route (le Tour de France au mont Fuji), aviron skiff, basket 3×3, double de tennis… commentés par les inusables journalistes de France TV associés à des consultants plus ou moins connus… Et sans même m’en apercevoir, il est 6 heures du matin et je ne peux résister au plaisir de rédiger la 1ère de ces chroniques des JO de Tokyo.

Heureusement les JO sont également propices à la sieste. Après l’effort haletant pour soutenir Luka Mkheidze dans sa quête vers la 1ère médaille française, rien de tel que les séries du 400 mètres 4 nages pour plonger dans les bras de Morphée et récupérer des efforts de la nuit.

Chroniques JO Tokyo dimanche 25/07 : judo et escrime sont les deux mamelles olympiques de la France

Au début des JO, j’attends comme tout le monde que la France ouvre son compteur à médailles. Heureusement, la délégation française peut toujours compter sur judo et escrime. Amandine Buchard nous apporte notre 2ème médaille en argent dans la catégorie des moins de 52kg.

C’est son combat en demi-finale qui m’a particulièrement marqué ou plutôt le désespoir de son adversaire la Suissesse Kocher. Elle était entrée sur le tatami 15 secondes plus tôt et fut balayée d’entrée par un intrépide mouvement de la judokate française. 4 ans de travail, de préparation, de souffrance à l’entraînement venaient de s’envoler en un éclair. Cruel destin des athlètes.

Mais l’événement aujourd’hui  se trouvait du côté de l’escrime avec la 1ère médaille d’or français pour l’épéiste Romain Canonne. Je retrouve avec plaisir les tireurs tous les 4 ans. Les règles demeurent incompréhensibles pour les non initiés. Difficile sans les commentaires de voir qui a marqué la fameuse touche.

Pourtant, j‘aime le côté un peu suranné de ce sport où les arbitres disent « en garde » et « coup double » en français. La vieille Europe y domine outrageusement la planète avec des duels entre Français, Russes, Hongrois, Italiens et Allemands qui rappellent les grandes cours européennes. Curieusement les Anglais semblent avoir perdu cette tradition du combat à l’épée.

Et puis Romain Canonne est arrivé. Attaquant, conquérant, il pratique un « escrime Champagne » dans un sport où la tactique l’emporte souvent sur le « beau jeu ». Personne n’attendait cet outsider qui n’avait jamais gagné un tournoi majeur. Il a pulvérisé successivement les numéro 3, numéro 2 et numéro 1 mondial pris à la gorge par le jeune français. Canonne à la fin de l’envoi, il touche!!!!

Chroniques JO Tokyo lundi 26/07 : les larmes de Manon Brunet

13h00 heure de Paris, Manon Brunet s’effondre en larmes sur la piste d’escrime. Elle vient d’obtenir la médaille de bronze dans le tournoi de sabre féminin. Retour en arrière sur l’histoire de la championne.

A Rio il y a 5 ans, Manon Brunet est en demi-finale. Elle mène 14 à 12, à une touche de la qualification pour la finale. Son adversaire revient à 14-13, Manon croit alors avoir réalisé la touche gagnante. Mais les arbitres en décident autrement. Elle finit par perdre le combat et dans la foulée s’incline dans la quête pour la médaille de bronze.

5 ans d’attente, d’entraînement, de préparation physique et mentale pour effacer ce terrible souvenir. « J’ai mis du temps à surmonter, je me souviens aux JO d’hiver 2018, je regardais quelqu’un gagner et d’un coup je me suis dit « pourquoi elle a réussi et pas moi ? ». Alors quand elle voit en demi-finales s’avancer le même arbitre qu’il y a 5 ans, son sang se glace. Est-ce cela ou autre chose, en tout cas, Manon Brunet passe complètement à côté de sa demi-finale perdue sèchement. L’histoire semble se répéter. Elle quitte la piste dépitée et songe à abandonner la compétition.

Son entourage dispose alors d’une heure et demi pour la remettre d’aplomb. Son entraîneur lui conseille de pleurer un bon coup. Elle accepte finalement de prendre au téléphone son petit ami Boladé Apithy, lui même escrimeur. Et celui-ci trouve la formule magique « Prouve-moi que tu m’aimes » s’adressant à l’orgueil de la championne. Son entraîneur complète avec la méthode bouddhiste : « quand l’eau coule dans la rivière, c’est jamais la même eau qu’on a devant soi. Je lui ai donné cette image, comme je lui donne beaucoup d’images. Au bout d’un moment, ça allait, elle a repris corps. »

Quand elle revient sur la piste, Manon Brunet est sereine. Elle expédie son adversaire 15 touches à 6 sans lui laisser la moindre chance. Elle a su exorciser les démons de Rio. Sacrée championne.

Chroniques JO Tokyo mardi 27/07 : Clarisse Agbegnenou nouvelle lionne du judo français

Clarisse s’avance sur le tatami pour sa finale olympique. Et instinctivement, je sais qu’elle a déjà gagné. Je le lis dans son regard, incroyable mélange de concentration, de sérénité et de puissance. On voit qu’elle est prête corps et mental à l’unisson, affûtés par l’accumulation des heures d’entraînement. Ce regard me rappelle celui des lionnes en chasse aperçu lors d’un safari en Tazanie.

Ses adversaires redoutent d’ailleurs la lionne Clarisse en chasse. Alors comme toujours ces dernières années, elles vont essayer de ruser, de feinter. Elles ne peuvent pas gagner en attaquant frontalement et elles le savent. Mais Clarisse est  vraiment trop forte. Elle se met en action. A chaque mouvement, elle peut déclencher la foudre et elle les soumet une à une.

Teddy Riner n’avait cette année pas ce même regard quand il est monté sur le tatami face au Russe Tamerlan Bachaev. Je m’en suis tout de suite aperçu. J’ai tout de même pensé et espéré qu’il pourrait gagner. Il n’est d’ailleurs pas passé loin mais il a trébuché sur un petit coup de pattes de son adversaire. Comme il l’a déclaré, la chance n’était pas avec lui ce jour-là. C’est le problème des « vieux fauves », ils doivent aussi compter sur la chance. Ainsi va la dure loi du sport et de la nature.

Chroniques des JO : esprit d’équipe dans les sports individuels

Samedi 31 juillet 12h30 : Sarah-Léonie Cysique offre la victoire à l’équipe de France mixte de judo en finale face au Japon aux termes d’un dernier combat haletant. Cette équipe de France de judo fait plaisir à voir depuis ce matin. Elle a frôlé l’élimination prématurée face à Israël mais le grand Teddy Riner était de retour. Et l’équipe a su serrer les rangs. Je trouve formidable ce principe d’épreuves par équipe mixte mis en avant par le CIO. Et cette victoire collective française m’a arraché une petite larme. 

Elle vient terminer la magnifique semaine du judo français qui revient du Pays du Soleil Levant berceau du judo avec 8 médailles. A contrario, l’équipe de France de cyclisme a connu une semaine catastrophique. En cyclisme sur route, il n’y a pas eu de miracle face aux stars du Tour de France. En VTT et en BMX, nous arrivions avec de grandes ambitions. Mais au lieu du doublé français attendu en VTT en féminin, nous avons assisté à un triplé suisse. Et que dire de la finale du BMX : les 3 représentants tricolores favoris ont complètement raté leur course.

Dans ces sports individuels, la dynamique collective de l’équipe joue un rôle fondamental. Cela pourrait sembler contre-intuitif pour ces athlètes de haut niveau surentraînés dont la préparation mentale est de plus en plus sophistiquée. Et pourtant le constat est sans appel. D’ailleurs regardez le sourire de Teddy Riner sur les photos ci-dessous. Ne me dites pas que vous n’êtes pas aussi en train de sourire.

 

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