Le Louvre un musée dans la mondialisation

Je suis allé au Louvre deux fois cet automne et j’ai été impressionné. J’ai eu la chance de visiter l’extraordinaire exposition temporaire Léonard de Vinci, une des grandes émotions esthétiques de l’année. Et puis, j’ai assisté à une conférence de Jean-Luc Martinez le président directeur de l’établissement public du Louvre qui présentait les enjeux stratégiques du musée aux matins HEC. Le musée du Louvre dans la mondialisation, c’est aujourd’hui plus de 10 millions de visiteurs par an en forte progression. Il est plus que jamais le symbole du rayonnement culturel français dans le monde entier : à Abu Dhabi aujourd’hui, peut-être en Chine ou au Brésil demain. Bref plus qu’un lieu, le vieux palais royal est en passe de devenir une marque mondiale de notre Étonnante Époque. 

Le Louvre : le musée le plus visité au monde

Il est 9h00 par une belle matinée d’automne quand j’arrive devant la majestueuse pyramide de verre. Il faut reconnaître que le décor de carte postale a de l’allure. Devant l’entrée règne une agitation fébrile entretenue par le balai incessant des cars de touristes. Le musée a en effet accueilli, nouveau record du monde plus de 10 millions de visiteurs en 2018, un record qui devrait être de nouveau battu en 2019… sauf grève!!! Le Louvre est ainsi repassé (cocorico) devant Disneyland Paris.

Lors de l’exposition Delacroix entre avril et juillet 2018, le musée a accueilli de 25.000 à 50.000 visiteurs par jour. 75% des visiteurs sont étrangers dont 1.5 million d’Américains et faits marquants de ces dernières années 1 million de touristes Chinois. Jean-Luc Martinez indique goulûment que 80% des touristes chinois avec visa qui viennent en France passent par le musée, de quoi faire pâlir d’envie les vendeurs de maroquinerie.

Le Louvre a le vent en poupe. Après les années 2015-2016 marquées par les attentats, sa fréquentation a bondi de plus de 20%. Et c’est la révolution digitale qui a permis de passer cette fameuse barre des 10 millions de visiteurs. Comme l’explique le président du Louvre, la fréquentation d’un musée est une question de fluides. La mise en place de la réservation sur Internet est une révolution car elle permet de lisser la fréquentation. Contrairement aux idées reçues, on ne fait désormais pas plus de 30 minutes la queue pour rentrer au Louvre.

La mondialisation vient voir au Louvre pour voir la Joconde

La diseuse de bonne aventure de Caravage

Me voici maintenant à l’intérieur. En bon parisien, je ne viens pas assez souvent visiter le Louvre. J’ai donc à chaque fois la merveilleuse impression de redécouvrir un nouveau musée. Le touriste mondialisé vient au Louvre cocher la case Joconde. J’ai voulu y aller. Mais face à la cohue des touristes lourdement armés de perches à selfie, j’ai pris mes jambes à mon cou et je me suis enfui.

Je ne verrai pas cette fois-ci le mystérieux sourire de Mona Lisa. J’ai heureusement rapidement trouvé refuge dans les collections permanentes au milieu des œuvres de la Grande Galerie. Comme par miracle, la foule s’était dissipée. Je me suis alors retrouvé quasi seul au monde à contempler la diseuse de bonne aventure de Caravage. Petit moment de grand bonheur! Curieuse habitude du tourisme de masse de s’agglutiner aux mêmes endroits quand il y a tant d’autres œuvres d’art extraordinaires à découvrir. En même temps qui a été cet été lors de son voyage new yorkais visiter la statue de la Liberté!

Un financement mélange de subventions de l’état et de recettes propres

Le Louvre c’est un budget annuel de 250 millions d’€ avec un modèle économique original : 150 millions d’€ de recettes propres, 100 millions de dotation de l’état, un modèle hybride pas complètement subventionné comme la plupart des grands musées européens, pas complètement privé comme les grands musées américains (Metropolitan, MOMA, Guggenheim…). Jean-Luc Martinez est convaincu que les recettes propres du musée peuvent encore largement augmenter et souhaite aller plus loin en la matière.

On sent le musée français attiré par le modèle américain symbolisé par le célèbre MET Gala qui réunit chaque année tous les people américains et permet la collecte de plusieurs millions de dollars. Le Louvre a donc régulièrement joué la carte « people » ces dernières années. En 2018, Jay Z et Beyonce s’offrent le Louvre pour le tournage d’un clip d’un chanson de leur album « Everything is love », ode à leur amour. Magnifique clip ou chef d »oeuvre de mauvais goût, je vous laisse juge. Mais en tout cas, le public a tranché. Avec plus de 192 millions de vues sur Youtube, ce clip aura sans doute fait plus que toutes les autres actions pour la notoriété du musée auprès de la jeunesse mondialisée.

Le Louvre une marque de luxe mondiale?

Crédit Airbnb

En mai 2019, le musée récidive avec un partenariat avec Airbnb. La plateforme organise un concours avec à la clé pour le couple gagnant une nuit au Louvre. Le succès est énorme. Près de 180.000 candidats tentent leur chance pour séjourner dans l’éphémère Airbnb le plus prestigieux au monde. Ils auront la chance de boire une coupe de Champagne en tête avec la Joconde. L’histoire ne dit pas si Belphégor est venu hanter la nuit du couple gagnant.

A chaque fois, les critiques fusent dénonçant une marchandisation du musée. Le Louvre serait en train de devenir une marque de luxe française « comme les autres » que LVMH ne renierait pas dans son portefeuille aux côtés de la Fondation Louis Vuitton.

Je trouve au contraire que le Louvre joue plutôt habilement la carte de la mondialisation sans dénaturer son rôle d’institution culturelle majeure. Dans quel camp vous situez-vous? Des enthousiastes pour ces événements ou des critiques qui déplorent un dangereux mélange des genres.

Le Louvre instrument du rayonnement français dans la mondialisation

Mais le fait le plus marquant est sans doute l’internationalisation de la marque Louvre avec l’ouverture en novembre 2017 du Louvre Abu Dhabi que j’ai eu la chance de visiter. Nous avions alors consacré un article à ce magnifique Louvre du désert réalisé par l’architecte Jean Nouvel. Louvre, Guggenheim, les musées deviennent des marques mondiales. Le Centre Pompidou vient d’ouvrir à Shanghaï.

La question est sur toutes les lèvres. Après Abu Dhabi, où le Louvre plantera-t-il son prochain drapeau? De nouveaux projets sont-ils prévus? Jean-Luc Martinez indique ouvertement son rêve d’ouvrir un Louvre en Chine et un Louvre au Brésil. Il sous-entend que les pourparlers sont bien avancés. Mais comme pour les prêts de tableaux de l’exposition Léonard de Vinci, le symbole est tellement fort que la géopolitique prend le dessus. Le Louvre dans la mondialisation outil et baromètre du « soft power » et de la diplomatie française.

En attendant si vous avez la possibilité de visiter l’exposition temporaire Léonard de Vinci, ALLEZ Y!!!!

Commentaires (0)
Ajouter un commentaire