Retour en Italie : 6 cartes postales

« En Italie, chaque année, tu te rendras » 11ème commandement. Et puis le drame covidien est arrivé. 3 ans, 3 ans s’étaient écoulés depuis notre dernière visite dans la péninsule transalpine (dans les Pouilles), autant dire une éternité. Heureusement comme des millions de touristes, nous étions de retour. A nous vieilles pierres, pasta, proscuttio crudo et gelateria! Destination Italie du Nord, avec au programme Vérone, Padoue et Venise. Je vous partage ici 6 cartes postales de ce voyage de retour en Italie. 

Carte postale n°1 :  Paris-Milan vive le train

L’avantage de l’Italie du Nord, c’est que c’est accessible en train, bilan carbone oblige. En moins de 7 heures (ce qui permet d’entamer les vacances autour d’un bon bouquin), nous voici arrivés à destination avec en prime la découverte de la gare de Milan Centrale, « chef d’œuvre » de l’art mussolinien, tout en finesse!

Le bilan carbone des transports fait d’ailleurs débat cet été . Sur Twitter se développe le suivi du déplacement des milliardaires en jet privé en mode « name and shame ».  Le compte LavionDeBernard (qui suit notamment les déplacements de Bernard Arnault) créé en juin compte déjà plus de 30.000 abonnés.

Je ne me réjouis pas vraiment de cette nouvelle pratique aux relents nauséabonds populistes et aux objectifs idéologiques qui dépassent du sujet du climat (article intéressant de G. Champeau sur le sujet). Mais elle a au moins le mérite de mettre sur la table dans le débat public la régulation de pratiques qui deviennent inacceptables en termes d’émission de gaz à effet de serre. Le débat s’invite d’ailleurs à la rentrée dans les médias.

Carte postale n°2 :  été caniculaire sur l’Italie du Nord

Il faut dire que cet été était particulièrement chaud. La pluie avait fui l’Europe de l’Ouest. Les journées de grand ciel bleu se succédaient pour le plus grand plaisir des touristes allemands au bord du lac de Garde. Un des difficultés dans la lutte dans le changement climatique est que l’homo sapiens préfère sauf incendie quand il fait beau et chaud. Nous nous plaignions certes des 37 degrés à l’ombre un peu pénibles pour la visite du centre de Vérone, mais tout cela était vite oublié après un plongeon dans la piscine.

Mais surtout en bon homo touristus, nous ignorions que l’Italie du Nord vit sa plus grande sécheresse depuis 70 ans. Le niveau du Pô est au plus bas et le grenier à blé et à riz du pays est en péril. Selon le syndicat Coldiretti (Confederazione Nazionale Coltivatori Diretti), 30% de la production agricole italienne de blé et de maïs se retrouve aujourd’hui menacée. On a notamment assisté à une intrusion marine d’eau salée d’environ 30 kilomètres au niveau du delta Pô aux lourdes conséquences sur les nappes phréatiques et l’agriculture.

Carte postale n°3 : Venise, le retour du tourisme de masse

Ce fut l’un des marronniers journalistiques du confinement. Venise, vidée de ses touristes, avait retrouvé son authenticité. L’eau des canaux était redevenue transparente et les pigeons pouvaient enfin régner en maître sur la place Saint-Marc.

 

On parlait alors « du monde d’après » débarrassé des excès du tourisme de masse. Mais dans le monde d’après, les touristes (moi le premier) se réjouissent d’être de retour à Venise. Impossible cet été de visiter le palais des doges ou la basilique Saint-Marc si comme nous, imprudemment, vous n’aviez pas réservé vos billets plusieurs semaines à l’avance.

Fort heureusement, le touriste moutonnier se concentre dans quelques endroits. Et des efforts pédestres limités nous permirent de goûter au plaisir des ruelles et canaux magiques de la Sérénissime au calme. Idem à Vérone où la meute agglutinée autour du balcon de Juliette nous a laissé une paix royale pour la visite de la magnifique basilique San Zeno ou dans les jardins Giusti.

Basilique San Zeno (Vérone)

Malgré tout, comment éviter de retomber dans les errements du passé qui mettaient en péril la pérennité de Venise? La ville a depuis 2021 banni les paquebots de croisière géants qui défiguraient la lagune. Mais surtout à compter du 1er janvier 2023, les visiteurs journaliers devront s’acquitter d’un droit d’entrée pour rentrer dans le centre historique de 10€ par jour pendant la saison touristique.

Dissuasif pour empêcher la sur-fréquentation?  Pas vraiment. Ce droit d’entrée s’apparente plus à une nouvelle manne financière pour la ville. Mais ça n’est qu’un début. Il faut saluer cette tentative de résoudre la difficile équation entre préservation de la cité, revenus économiques du tourisme et tourisme accessible à tous. Cette expérimentation vénitienne fera sans aucun doute des émules. A suivre.

Carte postale n°4 : Venise ou le subtil marketing des billets d’entrée des églises

Venise ses canaux, sa lagune, ses palais mais aussi ses églises. Mais comment financer l’entretien de ce patrimoine. Nous découvrons alors que la plupart des églises sont payantes. Heureusement on nous propose le Chorus Pass familial (organisé par la très sérieuse Chorus – Associazione per le Chiese del Patriarcato di Venezia) qui donne accès à 17 églises pour la modique somme de 24€. Ravis de cette bonne affaire, nous nous mettons en chemin afin de cocher un maximum de cases du précieux sésame comme dans une chasse aux trésors.

Mais arrivés à l’église San Giovanni e Paolo, nous nous apercevons qu’elle n’est pas incluse dans le pass (comme San Giorgio Maggiore ou encore la cathédrale Santa Maria Assunta de Torcello). Le Chorus Pass regroupe en quelque sorte la « Serie B » des églises vénitiennes alors qu’il faut payer individuellement pour avoir accès à la « Serie A », un peu comme sur Being Sport.

Je m’imagine le conciliabule des prêtres du Diocèse de Venise pour décider quelle église rentrera ou pas dans le Chorus Pass. Y-a-t-il chaque année des changements sur la liste avec une église qui monte en « Serie A » suite à une restauration remarquable ou un buzz d’une influenceuse sur TikTok ou Instagram et une autre qui descend en « Serie B » en intégrant le Chorus Pass en raison d’un nombre de visiteurs insuffisants? J’aimerais assister à ces discussions enflammées. A Venise, les voies du Seigneur semblent pénétrables au marketing.

Carte postale n°5 : Sigurta petit paradis sur Terre

Si vous êtes un lecteur régulier d’Etonnante Epoque, vous connaissez mon goût pour les jardins botaniques. Vous ne serez donc pas étonnés de mon ravissement lors de la visite des jardins du Parc de Sigurta (le ou l’un des plus beaux jardins d’Italie et même d’Europe). Ici on a vu les choses en grand : le Parco Giardino Sigurta s’étend sur 60 hectares, 60 hectares de paradis. 

Le parc fut créé à la Renaissance et la propriété accueillit les hôtes les plus illustres. En 1859, les deux empereurs François Joseph d’Autriche et Napoléon III y séjournèrent à quelques jours d’intervalle tandis que leurs troupes s’affrontaient à Solférino. En 1941, le parc tombé en déshérence fut racheté par le Dr Giuseppe Carlo Sigurta, riche industriel pharmaceutique. Il y mène des travaux d’irrigation, restaure et embellit ce joyau. Le parc accueille chaque année au printemps la plus grande floraison de tulipes d’Europe du Sud avec près d’1 million de bulbes.

Cette promenade est vraiment extraordinaire. Quel plaisir de marcher pieds nus  sur ces grandes pelouses au gazon parfaitement tondu. Une parenthèse hors du temps. 

 

Carte postale n°6 : le quadrilatère de oro de Milan, incroyable zone commerciale à ciel ouvert

Pour terminer, passons du paradis à l’enfer, un enfer où le Diable s’habille bien sûr en Prada : le Quadrilatere d’Oro de Milan. Je me réjouissais de visiter la capitale économique de l’Italie, cette grande ville autre capitale européenne de la mode avec Paris.

Nous voici donc, un samedi après-midi, à arpenter sous la chaleur les rues du Quadrilatere d’Oro où se concentrent les boutiques de mode de la ville, le royaume des Gucci, Balenciaga, Prada, Versace, Armani et Dolce & Gabana (avec au moins 5 boutiques différentes).

Les grandes marques françaises (Vuitton, Dior…) s’y sont aussi installées. La splendide Galerie Victor Emmanuel II accueille les noms les plus prestigieux. Ironie de l’histoire, son architecture avec son immense verrière préfigure celle des grands shopping malls de la planète.

Mais cette immense zone commerciale n’accueille pas seulement les marques de luxe. Les marques globalisées de fast fashion bon marché s’y sont invitées avec des magasins immenses décorés d’écrans géants criards où elles diffusent une musique commerciale assourdissante (généralement à ce moment, je me fais traiter de vieux con par mes enfants).

La foule (touristes, locaux) s’y entasse en ce samedi après-midi. On parle de tourisme de masse à Venise mais c’est dans le Quadrilatere d’Oro que nous avons eu le plus monde lors de notre séjour italien. Ce paradis su shopping s’est pour moi vite transformé en enfer. On n’a clairement pas encore découvert le vaccin contre le virus de la surconsommation. 

L’Italia è bella

Voilà pour ces quelques cartes postales. Et je ne vous ai pas parlé des vignes de Valpolicella, des paysages de Riva del Garda, de la chapelle Scrovegni de Padoue, des villas palladiennes, de la Scuola di San Rocco à Venise… L’Italia è bellissima. Vivement le prochain voyage.

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