Eloge des bosses sur les pistes de ski

1 373

30 décembre 2021, 15h00, Val Thorens, 2500m, grand ciel bleu, 10°C. Après 2 jours de pluie ininterrompue, le soleil était enfin de retour. Du coup l’Homo Skius Parisianus (espèce humaine à laquelle j’appartiens dont l’une des caractéristiques est de revêtir une tenue bariolée pour dévaler les pentes ou faire du running) se précipita sur les pistes pour s’adonner aux plaisirs de la glisse. Mais naïf et ignorant des pièges de la montagne, il ne doutait pas qu’un grand danger le guettait : les BOSSES. Il pensait que ce fléau tel Sauron ou Voldemort avait complètement disparu. Mais voilà que ces redoutables créatures des neiges, ressurgissaient ressuscitées par des températures curieusement trop clémentes. Les bosses, les bosses : comme tous les skieurs de plus de 40 ans, elles avaient marqué mon enfance. Nostalgique, je vous emmène sur les pistes pour une descente bosselée.

Comment se forment les bosses?

skieur dans les bosses

La bosse n’existe pas à l’état de nature. Point de bosse sur les pentes immaculées après une chute de neige. Paradoxalement, c’est le skieur lui-même qui va créer ces monstres casseurs de pattes, friands de chevilles et de genoux.  Comment se créent les bosses ? Pourquoi forment-elles ce dessin régulier si caractéristique ?

Je suis sûr que vous brûlez d’avoir une réponse à ces questions que, sans le savoir, vous vous êtes toujours posées. Heureusement on trouve de tout sur Internet et j’ai ainsi découvert cet article de 2014 sur le phénomène.

L’auteur essaie d’y modéliser de manière relativement simple l’apparition des bosses en comparant la trajectoire idéale du skieur à une fonction sinusoïde simple de longueur d’onde lambda. Il explique comment après les premiers skieurs à la trajectoire aléatoire, l’étau se resserre progressivement autour des suivants suivant des principes qui se rapprochent de ceux de la cristallographie. Une centaine de skieurs seraient suffisants pour créer une bosse pérenne. Plus insolite, les bosses de ski remonteraient la pente « à la vitesse vertigineuse de 8cm par jour ».

Les bosses, petite madeleine de mon enfance

championnat du monde ski de bossesLes bosses ont marqué mon enfance de skieur. Le champ de bosses était le lot commun du skieur des années 80. Il y en avait de toutes les sortes : petites, hautes, poudreuses, gelées, espacées, rapprochées, la plus redoutée étant bien sûr la grosse glacée.

Je me souviens des bosses de la Pendant aux Grands Montets à Chamonix, de la bien-nommée (du moins à l’époque) piste des Creux à Courchevel ou de la dernière descente à Val d’Isère par l’impitoyable Face de Bellevarde avant un chocolat chaud bien mérité.

Les moniteurs de ski nous apprenaient alors la technique pour coulisser délicatement dans le creux de ces dômes blancs. L’aboutissement était de savoir godiller et sauter dans les bosses. Comme toute une génération, j’ai poussé des cris de joie devant la victoire de l’extravagant Edgar Grospiron aux cuisses d’acier lors de l’épreuve de bosses des Jeux Olympiques d’Albertville en 1992. Nostalgie, nostalgie de mon fuseau moulant et des éternelles moon boots.

La disparition des bosses pour améliorer « l’expérience client » du skieur

Mais, un jour, les exploitants des remontées mécaniques décidèrent que le confort de l’Homo Skius Parisianus & Internationalus était le meilleur moyen de le fidéliser en masse. La montagne s’équipa de myriades de télésièges débrayables à 4 puis 6 places qui épargnaient les mollets du skieur. L’arrêt de mort du tire-fesse fut signé. A Méribel, le télésiège du « Plan de l’Homme » fut tristement rebaptisé « Legends ». Et il fut « évidemment » décidé de lui adjoindre des sièges chauffants pour enfin remettre à bonne température le fessier des touristes.

Engin de damage

La bosse fut la seconde victime de cette politique. Il fallait exterminer ces monticules qui torturaient les cuisses des pauvres skieurs. Les impitoyables dameuses avec leurs bras métalliques et leurs sinistres cris « bips bips » se mirent à proliférer. Tous les soirs, cette armée de blindés des neiges se met en branle  dans la montagne.

Les bosses ont donc disparu et l’Homo Skius Parisianus, désormais équipé de skis paraboliques qui tournent tout seuls, s’est mis à dévaler les pentes à toute allure avec la ferme conviction d’être un champion. Au départ, j’ai regretté la disparition. Je ne comprenais qu’on ne laisse pas faire la nature. Je regrettais l’art élitiste de toréer la bosse. Pourtant, comme tout le monde, je me suis habitué à ce ski plaisir sur ces grands boulevards des neiges.

Noël 2021, elles sont de retour et provoquent la panique chez les skieurs

Mais une conjonction de facteurs exceptionnels allait provoquer le retour des bosses.

Avant ces vacances de Noël, il avait neigé en abondance. Privés de ski l’année dernière pour cause de Covid, les vacanciers s’étaient précipités en masse vers les stations de ski. Malheureusement le redoux, pire ennemi du skieur, s’invita à la fête. Il se mit à pleuvoir abondamment, transformant le manteau neigeux en une alternance de patinoire géante et de « soupe ». Le soleil de retour, il y eut foule sur les pistes. Jamais, je n’y avais vu autant de monde.

Cette neige molle favorisa la création rapide de bosses malgré l’intervention nocturne des engins de damage. Et là ce fut un carnage. La plupart des skieurs ne savaient pas comment dompter les monstres. Ils avançaient donc péniblement en chasse-neige de bosse en bosse provoquant « gamelles » et embouteillages dignes de la station Châtelet-les Halles aux heures de pointe.

embouteillage pistes bosses
Embouteillage sur les pistes de ski

 

Moi-même je m’aperçus tristement que je n’avais plus mes jambes de 20 ans. Quant à mes filles, elles maudissaient le retour des ces gêneuses incongrues. La recherche permanente de confort nous aurait-elle ramolli?  A cause des calculatrices, nous ne savons plus calculer, à cause des GPS, nous ne savons plus nous guider…. Revers de la médaille du confort de notre Etonnante Epoque?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2 commentaires
  1. Albertville92 dit

    Nous souhaiterions que le rédacteur ajoute sa photo en combinaison Edgard Gropiron avec guêtres, paire de skis Rossignol 4S 190 cm et fixations Look, qui ont fait et font encore pour longtemps la fortune des cliniques de chirurgie réparatrice des ligaments et des ménisques.

    1. Ban500 dit

      Tu as raison, j’avais effectivement les 4S mais ce qui faisait la différence c’est le fameux fuseau moulant malheureusement balayé par les combinaisons. Là aussi confort au détriment de l’efficacité

Les commentaires sont fermés.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à utiliser ce dernier, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies. Accepter Consulter

Centre de préférences de confidentialité

Cookies

Publicités

Analytics

Other