Le diamant synthétique est éternel

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Je me souviens de mon cours de chimie de 6ème. Notre prof nous demande : quel est le point commun entre un morceau de charbon et un diamant? Elle nous répond sous nos regards médusés que ce sont tous les deux des formes de cristallisation du carbone. 30 petits alchimistes se mettent alors à rêver de transformer du charbon en diamant. La science le fait depuis les années 50 donnant naissance au fameux diamant synthétique. Il est utilisé pour sa dureté dans de nombreuses applications industrielles notamment les disques diamant pour couper la pierre. Mais les pierres précieuses restaient jusqu’à présent l’apanage des diamants naturels. L’évolution technologique permet aujourd’hui de produire du diamant synthétique indécelable du diamant naturel par un œil humain. Révolution en perspective dans le monde de la joaillerie et de la bijouterie!!!

Des progrès technologiques récents permettent de fabriquer du diamant synthétique de qualité pour la joaillerie

L’histoire de la fabrication industrielle de diamant de synthèse commence véritablement en 1954. Un ingénieur physico-chimiste de General Electric Howard Tracy Hall crée officiellement le premier diamant synthétique. Dans la foulée, la production de diamants synthétiques destinés à l’industrie se répand dans le monde entier pour de nombreuses applications industrielles.

Mais il faut attendre les années 90 pour que les progrès de la technologie permette de fabriquer des diamants destinés à la joaillerie. Deux méthodes coexistent qui s’inspirent des conditions dans lesquelles les diamants se forment naturellement : la méthode dite HPHT (haute pression haute température) et la méthode CVD Chemical vapor deposition (en français Dépôt chimique en phase gazeuse). Cette technique CVD consiste à faire croître des diamants en laboratoire par dépôt de couches successives à partir d’un plasma. Il faut 3 à 6 semaines pour faire littéralement pousser un diamant d’une transparence parfaite.

La méthode CVD permet de produire des diamants synthétiques indissociables à l’œil nu des diamants naturels

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Les récents progrès de cette technique sont incroyables. Elle permet de fabriquer des diamants indissociables à l’œil nu des diamants naturels. Le diamant synthétique possède la même composition chimique, la même structure cristalline et les mêmes propriétés optiques que le diamant naturel. La qualité des diamants naturels est traditionnellement évaluée suivant les 4C : Color (la couleur), Clarity (la pureté), Cut (la taille), et Carat (le poids). Cette classification s’applique désormais aux diamants artificiels suivant les mêmes critères.

Nous avons tous en tête l’image d’Épinal du diamantaire qui examine avec sa loupe un diamant pour en évaluer la qualité. Notre diamantaire est aujourd’hui incapable à la loupe et même au microscope de distinguer un diamant naturel d’un diamant synthétique de qualité fabriqué grâce à la technique CVD. Pour savoir dissocier les deux types de diamant, il lui faudra passer par un laboratoire gemmologique utilisant des équipements plus sophistiqués. Paradoxalement les diamants

Des prix 30% à 50% moins chers à qualité identique

Et les prix des diamants synthétiques sont à qualité égale 30% à 50% moins chers que ceux des pierres naturelles. Du coup, les ventes de ces diamants de culture explosent. Ils représentaient d’ores et déjà 4% du marché mondial en 2019 en très forte progression. Dans le monde entier poussent actuellement comme des champignons des start-up cultivatrices de diamants synthétiques produits selon la méthode CVD. Comme bien souvent en matière industrielle, la Chine figure en bonne place dans ce mouvement.

La start-up française Diam Concept est engagée dans cette compétition mondiale. Menée par une ex-chercheuse du CNRS, elle travaille en partenariat avec le joaillier Courbet pour développer des diamants synthétiques haut de gamme. Elle a pour ambition de produire à terme 10.000 carats par an soit au moins 10.000 pierres gemmes à l’année.

Produit quasi-identique, prix 30% à 50% moins chers : on comprend dès lors pourquoi une énorme angoisse s’est emparée du secteur de la joaillerie traditionnelle avec la crainte d’un effondrement des prix.  La guerre du diamant était inévitable. 

Une bataille autour de la norme ISO18323 « confiance du consommateur dans l’industrie du diamant »

Comme bien souvent en pareil cas, la bataille commença sur le terrain normatif. En 2015, l’ISO met à jour sa ISO18323 « Confiance du consommateur dans l’industrie du diamant ». La nouvelle norme continue à exiger une distinction entre diamant naturel et diamant synthétique. ISO18323 autorise 3 terminologies différentes pour les diamants de synthèse : « synthetic diamond », « laboratory-grown diamond » et « laboratory-created diamond ».

Les industriels américains fabricants de diamants de synthèse crient alors au scandale. Ils accusent l’ISO d’avoir cédé au lobbying de la filière minière du diamant et notamment d’entretenir la confusion entre diamant synthétique et copies du diamant comme le zirconium. La fiière diamantaire traditionnelle a gagné une manche. Mais en juillet 2018, l’industrie du diamant de laboratoire remporte la 2ème manche. La FTC (Federal Trade Commission) décide de supprimer de sa définition du diamant le mot « naturel ». Le diamant était précédemment un minéral naturel, il devient un minéral tout court.

La bataille se déplace alors du côté du marketing et de la communication. Des 2 côtés, les acteurs fourbissent leurs armes. Explorons les arguments des forces en présrnce.

Le marketing de la peur des défenseurs du diamant traditionnel

La meilleure défense, c’est l’attaque. Embarrassés par cette nouvelle génération de diamant synthétique, les défenseurs de la pierre naturelle ont décidé d’attaquer fort à coup de campagne de communication. Elle utilise largement le marketing de la peur.

Argument n°1 : la production du diamant synthétique consomme massivement de l’énergie

La production de diamant synthétique est fortement consommatrice d’énergie. Elle serait donc un désastre en termes de consommation d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre. La méthode HPHT consiste à soumettre du carbone à une très haute pression et à très haute température (1400°C) ce que mère nature a fait il y a quelques millions d’années. Il n’y a donc pas de doute que le procédé est énergivore. Les réacteurs CVD avec  leur procédé de dépôt par plasma micro-onde consomment moins que le HPHT mais sont également de gros consommateurs d’énergie.

Argument n°2 : votre diamant synthétique ne vaudra bientôt plus rien

Il s’agit là d’un argument patrimonial. Tout le monde le sait : « les diamants sont éternels » mais pas nécessairement leur valeur. Le diamant synthétique serait comme un carrosse qui va se transformer en citrouille. En effet selon les défenseurs du diamant naturel, augmentation de la production et baisse des coûts iront nécessairement de pair avec un effondrement des prix. La revente de votre bague de fiançailles en diamant synthétique sur Le bon coin ne vous permettra peut-être pas de payer les frais d’avocat de votre divorce!!! L’argument est sans aucun doute valide. Mais le diamant de synthèse n’entraînera-t-il pas le diamant naturel dans sa chute?

Argument n°3 : une copie même parfaite d’un Picasso ne vaut pas l’original

Jean Marc Lieberherr, Directeur Général de la Diamond Producers Assocation (DPA) déclarait ainsi dans une récente interview sur le sujet : « Imaginez une reproduction parfaite d’un Picasso utilisant les mêmes pigments et la même toile que l’œuvre authentique.  Seul un expert pourrait les distinguer, ce qui ne signifie pas qu’elles sont identiques. L’une est authentique et a une valeur intrinsèque et émotionnelle particulière du fait de son origine, l’autre est une réplique qui a une valeur décorative, elle tire son intérêt de sa relation à l’original mais n’a aucune valeur propre. Cette analogie s’applique parfaitement aux diamants naturels et diamants synthétiques. »

Argument repris en choeur par les joailliers haut de gamme qui en font des tonnes sur le sujet. Et que dire de cette envolée lyrique trouvée sur le site I-diamant : « Quoi de moins romantique et authentique qu’un diamant de synthèse ? Car le diamant est bien plus qu’un simple morceau de carbone cristallisé. C’est d’abord et avant tout un miracle de la nature qui symbolise la beauté et la magie de la vie, de l’amour, et l’envie irrésistible que ce soit éternel ! »

Les producteurs de diamant synthétique jouent sur l’effet « blood diamond »

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Dans cette bataille de communication, la filière de production de diamants de en laboratoire n’est pas en reste.

Elle met en avant l’opacité du commerce mondial du diamant et de l’extraction minière. Elle utilise l’imaginaire négatif autour des trous béants générés par l’extraction minière et l’exploitation notamment en Afrique des enfants dans les mines. Sans oublier le trafic de diamant et les guerres qu’il a engendré : du Congo au Sierra Leone… Tout le monde a en mémoire le terrible film Blood Diamond.

Les mines de diamant commencent également à s’épuiser. La plus grande mine du monde en Australie, la mine d’Argyle exploitée par Rio Tinto va fermer ses portes. Son gisement est en fin de vie. Cette fermeture provoquera immédiatement une baisse de 10% de la production mondiale. Le diamant naturel est donc condamné à se raréfier.

Stéphane Wulwik ancien diamantaire français a lancé Innocent Stone, la première marque européenne de diamants synthétiques certifiés par l’IGI d’Anvers et vendus en ligne. Ciblant les jeunes générations, la marque propose des bijoux composés de diamants synthétiques et d’or recyclé. Elle se positionne clairement sur le terrain éthique et éco-responsable. Qu’avez-vous pensé de la vidéo ci-dessous? Personnellement je n’ai pas été complètement convaincu par cette vidéo qui sent bon le greenwashing. Difficile d’avoir une communication factuelle dans un secteur aussi émotionnel.

De Beers le géant sud-africain du diamant joue la carte du diamant synthétique low cost

La bataille était donc lancée avec des enjeux financiers considérables. Le marché du diamant est dominé par un acteur : l’entreprise sud-africaine De Beers. Comment ce géant de la pierre qui contrôle près d’un tiers de la production de diamant brut allait-il réagir à cette arrivée du diamant synthétique?

Loin d’ignorer la tendance, De Beers a choisi d’entrer dans la bataille en lançant en mai 2018 Lightbox une gamme de diamant synthétique avec un positionnement prix très offensif. Lightbox se vend à 800$ par carat vs. 6500$ par carat en moyenne pour un diamant naturel et 3700$ pour un diamant synthétique (source Challenges, étude Paul Zimnisky septembre 2018). A ce prix là, pas de certification suivant les 4C. De Beers se place donc clairement sur le terrain du bijou fantaisie de qualité avec une communication tournée vers une cible jeune qui n’est pas sans rappeler des marques Swarowski.

Le positionnement est malin. D’un côté, il ouvre à De Beers un nouveau business de masse sur un segment qu’elle ne touchait pas précédemment. De l’autre, il installe dans l’esprit du consommateur l’idée qu’un diamant synthétique n’est absolument pas comparable à un diamant naturel. Le pari risqué car il ouvre la voie à une bataille du diamant low cost notamment avec les producteurs chinois.

La demande de diamant naturel en berne, le risque de la désuétude

Malgré cette évolution stratégique majeure, De Beers souffre. Les dernières ventes de 2019 organisées par De Beers auprès de ses gros clients se sont traduites par un lourd recul de l’activité. Sur les premiers mois de 2019, son chiffre d’affaires de diamant brut a chuté de 21% à 2.3 milliards de dollars. Cette chute touche aussi son concurrent russe Alrosa. Le cabinet de conseil Bain & Company dans son rapport 2019 confirme une baisse du marché en 2019 sur les 4 principaux marchés mondiaux : Etats Unis, Europe, Chine et Inde. Il parle dans le même temps d’une progression de 15% à 20% des ventes de diamant synthétique.

La demande de diamant naturel est en baisse au niveau mondial. Un autre danger guette en effet les vendeurs de diamant : la désuétude. Les jeunes générations semblent moins friandes de la pierre précieuse. La traditionnelle bague de fiançailles souffre du recul du mariage traditionnel. Tiffany la grande maison de joaillerie américaine a vu ses ventes stagner ces dernières années. Cela explique largement pourquoi LVMH a pu racheter ce fleuron du luxe américain avec le défi de lui redonner du souffle. Cela passera nécessairement par une réflexion autour du diamant.

Les américains qui ne sont d’ailleurs jamais à court de bonnes idées marketing promeuvent de nouveaux comportements d’achat du diamant comme l’illlustre cette publicité « for me, from me » qui encourage les femmes à s’offrir elles-mêmes un diamant. Le diamant synthétique redonnera-t-il une seconde jeunesse à la pierre précieuse?

Le diamant synthétique apporte de la fraîcheur au marché : bienvenue chez JEM

Comme souvent qui dit innovation technologique, dit nouveaux acteurs sur le marché avec une approche disruptive. J’ai découvert en rédigeant cet article la marque française JEM (Jewellery Ethically Minded) dont j’ai trouvé l’approche très séduisante. La promesse de la marque est la suivante  » Nous voulons faire advenir une joaillerie durable, consciente et clairvoyante. Créer des bijoux avec bienveillance, dans le respect d’une mission et d’un progrès éthique. Porter un nouveau regard sur la joaillerie sans la priver de la poésie et de la grâce qui la composent. » 

Pour cela, la marque fut l’une des premières à proposer de l’or certifié fairmined le label de commerce équitable des mines d’or s’appuyant sur des communautés minières artisanales à taille humaine avec une exploitation plus respectueuse de l’environnement. Pour ses bijoux alliant or et diamant, elle a « naturellement » choisi « un diamant éthique pionnier, formé en laboratoire, respectueux des hommes et de la nature et totalement tracé ». Le terme diamant synthétique est soigneusement évité mais la production en laboratoire clairement assumée

Je trouve l’esthétique moderne de ces bijoux très réussie. Esthétique et durable, la promesse de la marque est tenue et n’est pas sans me rappeler celles des baskets écolos dont nous parlions dans un précédent article.

Tiffany comme ses confrères joailliers de luxe continuent aujourd’hui à refuser d’aller sur le terrain du diamant synthétique. Pourtant ce segment du diamant de culture de luxe est en train de naître avec des codes différents qui redonnent du souffle à la profession. Rihanna chantait « Shine bright like a diamond ». Se lancera-t-elle en partenariat avec LVMH dans la promotion d’une gamme Fenty Diamond avec un positionnement éthique et responsable utilisant des diamants fabriqués en laboratoire. Et vous que choisirez-vous pour votre prochain achat de bague : diamant naturel ou synthétique? 

 

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